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La bande du sud Réalisation d'un jeu de voile virtuelle (reloaded)
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silenzio

Inscrit le: 26 Nov 2006 Messages: 4692 Localisation: Allier/Cressanges
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Posté le: 17/02/2008 à 07:53:41 Sujet du message: |
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Je dormis donc dans des trains couchettes, traversai la planète en charter, louai des mansardes vétustes, entre hôtels et motels, et parcourut le monde en globe-trotter. Je me suis frottée à trente-six cultures, ouvert les yeux sur milles civilisations modernes ou disparues, partagé gîte et couvert chez l’habitant. Partout où je me rendais, je fus stupéfaite par les accueils que l’on réservait à la petite française, à l’architecte venue de loin. A avouer, ce fut la seule consolation qui me permit de tenir, comme de poursuivre mes pérégrinations, sans trop rechigner.
De voyages en séjours, j’ai ainsi épuisé toutes les ressources, moyens de transport compris, pour vivre au rythme des courants porteurs. Cependant, je notais souvent, dans les halls d’aéroport, ou dans les avions qui me ramenaient au bercail, que je me sentais encore plus dépossédée qu’au départ : les jours passaient et moins je pouvais me réclamer d’une identité palpable.
Amer constat d’échec, au terme de ces années, et la nette impression, de n’être parvenue à me fixer nulle part. Au final, je regardais ma vie s’effriter et en ramassais les morceaux sur le chemin, qui s’étalait entre Paris et Djakarta.
Toutes les méthodes étaient bonnes pour m’éloigner, dans la mesure du possible, de Montpellier ou de Bayonne. Sans en avoir pleinement conscience, je touchais du doigt les prémices d’un séisme.
Ce raz-de-marée, qui me laisserait, quelques semaines en aval, vidée et moulue.
Pour autant, il n’était pas question de renoncer : à la seule différence, que je n’allais aucunement besoin, dans les jours à venir, de jouer les dactylos. On s’en chargerait pour moi.
Et la lettre de démission que j’avais, peu ou proue, esquissé au retour du Caire, allait me tomber dessus sous peu.
A suivre _________________
"Dans la vie, l'occasion d'être un héros se présente deux ou trois fois mais presque chaque jour se présente celle de ne pas être lâche" |
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Inscrit le: 26 Nov 2006 Messages: 4692 Localisation: Allier/Cressanges
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Posté le: 18/02/2008 à 08:04:49 Sujet du message: |
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Une seule chose de bien avec ces pays très chauds, et presque aussi riches en pétrodollars, a toujours été que de votre fauteuil d’avion au siège de la voiture, avec chauffeur, qui vous attendait, l’air ambiant s’avérait également être frais et agréable à respirer.
- Passeport, Visa s’il vous plait !
De rêveries en souvenirs, j'entrai de plain-pied dans la réalité : le regard torve du douanier de service jaugeait déjà ma personne. Et à sa façon, son œillade ne laissant rien présager de bon, au cas où je n’aurais pas été en règle. Ne pouvant m’empêcher de sourire en pensant à la tête qu’il aurait, si d’aventure il fouillait mes bagages, et tombait nez à nez, si l’on peut dire, avec mes petites culottes, je lui tendis mes papiers, ainsi qu’une habilitation du gouvernement m’autorisant à entrer sur le territoire, sans autre forme de procès.
A sa mimique déconfise, je dus me rendre à l‘évidence : il ne fantasmerait pas sur mes strings.
- Mademoiselle ? Mademoiselle ?
Indubitablement, c’était moi qui était ainsi, fort peu discrètement, hélée par un homme qui, je l’appris ultérieurement serait mon chauffeur attitré pour toute la durée de mon séjour. Cela laissait déjà présager de ma liberté de mouvement.
Le pakistanais, car c’en était un, me conduisit après avoir réuni mes bagages, au sein d’un luxueux hôtel d’où il n’était nul besoin de sortir, même pour un brin de shopping. Une belle prison dorée !
Imaginez un palais des mille et une nuit, modernisez le tout et vous aurez une vue de l’hôtel Al Kariba, ilot de calme et de tranquillité, perdu dans l’océan urbain de la capitale. A suivre _________________
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Inscrit le: 26 Nov 2006 Messages: 4692 Localisation: Allier/Cressanges
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Posté le: 19/02/2008 à 09:32:00 Sujet du message: |
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Tous les hommes politiques, d’affaires du monde ayant eu à traiter du prix du brut, de transfert de technologie, de désalanisation de l’eau de mer ou encore d’exploitation de nouveaux puits faisaient escale à Al Kariba à un moment ou un autre de leur périple.
Vu de l’extérieur, le bâtiment n’était qu’une suite ininterrompue d’arcades en ogive, de piliers soutenants balcons et avancées de terrasses, de décorations dentelées, les teintes se conjuguant entre l’ocre du sable au blanc marbré italien. Les fresques dorées, loin de portée de mains indélicates, couronnaient l’hôtel. Quatre tours, semblables à des minarets, leur dôme brillant au soleil, indiquaient, de par leur positionnement, nos points cardinaux.
L’entrée principale, là où s’engouffraient les berlines, les plus chères de la planète, n’était rien d’autre qu’une arche mauresque aux pierres finement ciselées.
A l’intérieur, une cour centrale ombragée par des dizaines d’arbre, d’essences exotiques, et rafraichie par des jets d’eau cascadant vers les bassins azurés. Alentour, à l’ombre des terrasses dont les avancées, soutenues d’arcs gothiques, une galerie marchande, caverne moderne digne d’Ali Baba, promettait comme seul sésame le fameux billet vert : notre dollar.
Nous pouvions y pêcher de tout, mais seulement le haut de gamme : bijoux, armes, restaurants, banques, coiffeurs, instituts de beauté, barbier, armuriers, sauna, hammam, tailleur et encore, j’en passe… Jusqu’aux emplacements du culte et des prières qui se révélèrent délimités.
Au sein de cette ville, effigie du luxe en miniature, nous les étrangers, pouvions si tel était notre souhait, ou nos obligations, diriger là notre existence : y naitre, vivre et mourir.
- Si vous avez besoin de quoi que ce soit, vous me bipez ! Je suis à vos ordres vingt quatre heures sur vingt quatre… Mais ne sortez jamais seule, sinon je perdrais aussitôt mon permis de séjour ! , me conseilla une nouvelle fois, mon garde du corps.
A suivre _________________
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silenzio

Inscrit le: 26 Nov 2006 Messages: 4692 Localisation: Allier/Cressanges
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Posté le: 20/02/2008 à 07:39:47 Sujet du message: |
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Deux journées de palabres inutiles, dans les salons de l’hôtel, me firent prendre conscience de mon inutilité en ces lieux. Je devais donner mon aval pour un projet, auquel je n’avais pas pris part, et pour lequel je n’avais aucune objection à formuler. Experte oui, mais femme !
Exaspérante cette attente, au sein d’un hall, seule parmi des hommes semblant ignorer jusqu’à mon existence, devisant la plupart du temps dans un « anglais arabisé », et ne m’adressant la parole que pour me demander d’approuver leur étude sur tel ou tel détail.
Travail sur plans, calques, dissertations interminables autour d’une maquette approximative, et toujours sans que je sache dans quel environnement architectural cette chapelle devait trouver sa place. Fax, téléphone… Autres coups de fils : en France on temporisait, ici on freinait.
Mon chauffeur n’accepta de me sortir hors de l’hôtel, qu’une seule et unique fois, et ce pour régler un problème administratif auprès du consul de France.
Tous sinon étaient affables, professionnels, mais chaque phrase se voyait ponctuée d’un éternel :
- Que voulez-vous ma chère, nous sommes dans un pays musulman très respectueux des traditions, prenez patience !
Prendre patience, je ne faisais rien d’autre hormis cela, et pas même les moyens financiers d’assouvir mes envies de boutiques ou de dépenses.
Au quotidien, une question analogue revenait : quand pourrait-on visiter le chantier ? Dix fois, j'ai bien du poser cette énigme, dix fois me suis-je entendu répondre : bientôt, bientôt ! Toujours bientôt…
Quand enfin, décision fut prise de m’y emmener, ce fut encore en limousine que le déplacement s’effectua, escortés pour l’occasion d’une brochette de collègues en djellaba.
A suivre _________________
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Inscrit le: 26 Nov 2006 Messages: 4692 Localisation: Allier/Cressanges
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Posté le: 21/02/2008 à 07:34:52 Sujet du message: |
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Les bédouins du cru, virent d’un mauvais œil l’arrivée d’une rousse vêtue à l’Européenne : jeans, saharienne, sandales, dans une contrée, où le droit de la femme était quasi-inexistant, n’était-ce celui de se taire, s’effacer, et avec l’accord de son seigneur et maître, de concevoir des enfants. Oui, une tripotée de moutards…
Ainsi, les échanges professionnels entre les architectes locaux et moi-même, passèrent avec une célérité hors norme, du mauvais au détestable.
Tout juste si je ne devais faire une demande, en quinze exemplaires signés et tamponnés, au ministre de la culture et du culte, afin d’obtenir le remplacement d’un croissant par une croix au fronton de l’édifice de style byzantin.
Concernant l’intérieur de la bâtisse, mon domaine théorique de compétences, il m’aurait fallu m’adresser au prince héritier en personne, pour voir les tapis à même le sol soient remplacés par des bancs. Imaginez… simplement des bancs !
Après un énième tour de table aussi improductif qu’inutile, mon chauffeur pakistanais fit les frais de ma colère : je venais d’abdiquer face au sinistre spectacle des négociations.
- Putain de pays, putain de cons ! S’ils pensent qu’en déguisant une mosquée en église ils vont faire changer l’opinion internationale à leur avantage, ils se foutent le doigt dans l’œil jusqu’au trognon !
Je ne sus s’il comprit toute la portée de ma tirade, mais pour sûr, il bénéficia, pour l’occasion, d’une prolongation de séjour sans même avoir à en déposer la demande.
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Inscrit le: 26 Nov 2006 Messages: 4692 Localisation: Allier/Cressanges
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Posté le: 22/02/2008 à 08:39:26 Sujet du message: |
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Dès le lendemain de ce coup de gueule, aussi inutile que mal à propos, je me retrouvai quasi manu militari, expulsée via un vol direct pour Paris.
Dire que mon arrivée à Satolas, mignon petit aéroport desservant la région lyonnaise, débaptisé depuis pour le nom, aussi illustre, que celui de Saint Exupéry, fut suivi d’un accueil chaleureux, et moi-même conviée à bras ouverts par le responsable venu m’intercepter au pied de la passerelle serait, on ne peut plus exagéré.
Reçue illico presto par le PDG, Monsieur Fabien, avec perte et fracas, je reçus une salve de remarques, aussi acerbes que non avenues. A les entendre, j’avais à moi toute seule, déclenché la énième croisade, rompu les liens diplomatiques, voire familiaux que nous avions longuement tissé avec ces « braves » citoyens. Ne détenaient-ils pas le pouvoir de l'argent, ne faisaient-ils pas partie du même milieu spéculateur, que ce soit dans la pierre ou le pétrole ?
Fabien ne disposait-il pas de fabuleux contrats en perspective, ces « braves gens », achetant à tour de bras châteaux, grands crus, haras et autres menues babioles quand il ne s’agissait pas de l'acquisition de quelques femmes, marchandise hasardeuse, et au combien bavarde.
En fait, je le sais maintenant, je commençais sérieusement à les exaspérer : mon indépendance d’esprit, d’attitude, qualité qu’ils avaient suffisamment exploité à leur avantage, ne leur semblait plus de mise.
Mes appointements devaient leur sembler trop onéreux à leur goût, et je m’aperçus bien vite mais hélas, trop tard, que derrière la porte vitrée du responsable des ressources humaines, attendaient une douzaine de jeunes loups, prêts à se sustenter du moindre os abandonné par de plus anciens, tombés eux aussi, en disgrâce.
Quinze jours de congés plus tard, et je m‘étais, non sans tristesse et amertume, immergée dans le whisky. Un chivas douze ans d’âge, sans eau, glaçons ni autre produit capable de le dénaturer.
Plongée en solitaire, dans mes méandres journaliers, tandis que les odeurs ordinaires refluaient au fond de ma mémoire.
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Inscrit le: 26 Nov 2006 Messages: 4692 Localisation: Allier/Cressanges
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Posté le: 23/02/2008 à 08:45:33 Sujet du message: |
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- Oui ?
A peine, reconnus-je le timbre de cette voix, la mienne, crachotant dans le téléphone. Le réveil renversé sur la table de chevet, en désordre, indiquait onze heures vingt et une. La sonnerie aigrelette chassa sans ménagement le songe brumeux, au fond duquel la nuit s’était étiolée.
Un bref coup d’œil au cadavre d’une bouteille, dont les débris jonchaient le parquet, au pied de la commode, et les restes des vapeurs nocturnes, qu’elle contenait encore le matin, vers deux ou trois heures, prirent immédiatement le large. Foutue commode…
J’aurais du me décider à la remplacer. Un jour suivant l’autre, j’avais remis cette décision au lendemain, et elle s’était éloignée selon l’ordre des choses. Toute ma vie ressemblait à cela : remettre à… demain, plus tard, un autre mois, l’année suivante.
Soudain, je revins au fil de la conversation, un nom tombé au hasard, retenant mon attention :
-...tu te rappelles Raymond, Raymond Prédant ? Il est tombé d’un échafaudage et s’est cassé un bras, démis l’épaule et fêlé trois cotes...
Ayant ergoté un vague, oui-oui, au bout du fil, je partis à la recherche de ma dose matinale : où étaient mes cigarettes bon dieu ? Ah, les voici qui musardaient sur le tapis !
- Quel état ce paillasson ! , songeai-je, écoutant celui qui piaillait à l’autre bout de la ville. Parle toujours Harriot, tu m’intéresses… Je suis en congé, mise en forme suite au chaleureux accueil que vous m’avez réservé toi et le patron !
- ... le chantier est presque terminé et nous avons besoin de quelqu’un pour superviser les...
La tête me tournait, vertige caractéristique des lendemains de beuverie, besoin de soulager ma vessie, et ce con qui continuait de blablater.
- … alors si tu pouvais passer dans l’après-midi, nous pourrions discuter des détails. Ça te changera les idées et…
- Et… Oui, d’accord, en fin de journée, je suis un peu souffrante en ce moment. A tantôt.
Un ouf de soulagement m’échappa, à peine le combiné raccroché. Enfin… Cigarette du matin chagrin, douche et toilettes dans le désordre. Résultat des courses : la tête comme l’A 7 !
Et un rendez-vous impérieux, direction le centre de régulation : Fabien et emmerdements prévisibles. Voilà, c’est comme cela que je me vis catapultée vers une mission « bouche trou. »
Quelques vêtements de rechange, les affaires de toilette et autres babioles jetées dans une valise, plus tard, j’enfournai le tout dans le coffre d’une voiture de location prêtée pour l’occasion, dont je devais rendre les clefs une fois convoyée à bon port.
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Inscrit le: 26 Nov 2006 Messages: 4692 Localisation: Allier/Cressanges
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Posté le: 24/02/2008 à 07:40:07 Sujet du message: |
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Annecy, préfecture de la Haute-Savoie : ville carrefour, entre frontière et passage, rebelle presque frondeuse, et en vraie femme : conquise mais jamais soumise. Ce microcosme, partagé selon creuset ethnique et tradition chrétienne, où l’âme du Lac palpitait depuis un millénaire.
Deux heures d’autoroute du siége social de la société et de mon minable studio, meublé à la va vite, me servant de pied à terre lors de mes passages éclairs dans la région.
Dire que je n’avais jamais entendu parler de cette ville aurait été, il est vrai, un pieu mensonge, tant nos collaborateurs ayant participé à la rénovation, en 1990, de l’hôtel Impérial Palace, n’avaient eu cesse d’en discuter en cette année 98. Tous s’accordaient, justement, sur l’opportunité offerte à certains d’entre nous, de retrouver cette incomparable pension quatre étoiles.
L’Impérial Palace, bâti en 1912, inauguré l’année suivante : sans conteste, le plus vaste hôtel du Lac d’Annecy, paré d’un casino et d’un centre de congrès. Un endroit luxueux, dont le parc ouvert au public depuis, m’avait-on renseignée, 1975… ses jardins, sa roseraie et sa volière.
Par un caprice du sort, comme du nouveau propriétaire, une partie devait en être bouleversée. Trois des sept suites à décorer : leur offrir un style différent, tandis que vingt et une des quatre-vingt onze autres chambres, toutes climatisées et pour la plupart, octroyant une vue sur le lac, à transformer de fond en comble.
Ce fut le chantier de Raymond, qui par la volonté d’un échafaudage bancal, voire un caprice du sort, me revenait aujourd’hui de droit, dans le but d’en fignoler la réalisation. Autant dire entreprise de nettoyage, ménages et poussières. Le tout, consciencieusement planqué sous le tapis de la bureaucratie…
Sortie Annecy Nord, direction Annecy le Vieux - Thônes, quitter l’avenue de Brogny, direction le lac par l’avenue de la Plaine, de Gambetta, puis celle de France. Dernier feu avant de tourner à gauche vers la plage et là...
Palais des congrès, oui… Hôtel-Casino de l’Impérial, enfoui dans son écrin de verdure : enclos boisé, presqu'île étalant sa langue limoneuse sur les eaux limpides du lac. Plage privée, plongeoir de douze mètres, tennis… J’étais arrivée à destination.
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Posté le: 25/02/2008 à 06:14:19 Sujet du message: |
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Au premier regard, des façades fer-forgé, aux larges rangées de fenêtres, œil de bœuf aux étages. Son style m’évoqua, en vérité, un autre lieu à mi-chemin du Calvados et du Pays d’Auge. Le fastueux manoir cabourgeais, où j’avais séjourné, surplombant de sa stature les remous de la Manche et son arrière-pays. M’ébrouant, je me dirigeai bagages au poing, vers le hall.
La direction de l’hôtel ayant bien fait les choses, je me retrouvai dans la chambre, vacante depuis le départ imprévu de Raymond : celle-ci, standard des autres louées à mille cinq cents francs la nuit, me fit l’effet d’une citadelle.
Petit bureau équipé, en outre, d’une prise pour modem, télévision par satellite, coffre-fort, salle de bain très confortable et pour couronner le tout, un mini bar offert par l’établissement.
Installation rapide, crochet par la douche puis la penderie : changement de tenue, pour le plaisir des yeux, et le temps de passer un coup de fil à Raymond, le prévenant de mon arrivée, j’étais déjà heureuse.
Le petit verre de whisky faisait son effet : charmant comme tout, me figeant un sourire ahuri aux lèvres, tandis que je visualisais les travaux à effectuer. J’en avais une idée assez précise, et la banalité de la tâche m’incombant, me laissait dans un état proche du dégoût.
Bonne idée de l’avoir appelé, ce Raymond : il m’informa, derechef, que les installations mises à disposition de la clientèle, étaient d’accès libre à tout individu travaillant sur le site. A moi la boutique, le billard auquel je n’excellais point, le sauna, hammam, training cardio-vasculaire : le paradis quoi !
D’autant que cette petite localité provinciale me paraissait somme toute, assez banale au vu du trajet effectué depuis ma sortie de l’autoroute : anesthésiante jusqu’à la nausée.
Néanmoins quelque chose clochait : cette cité me mettait mal à l’aise. A l’opposé des guides touristiques, florissant aux éventaires des marchands de presse régionaux, je n’aurais su en vanter les mérites. Toutefois, m’était-il désormais ardu de demeurer impassible envers elle.
Un sentiment s’en dégageait, remontant à la surface comme un macchabée flotterait après une nuit d’épouvante. Délogeant cette vision, tirée d’un policier parcouru sur les aires de repos autoroutières, durant mon voyage, je percevais un charme indéniable sourdre de cette cité.
La soirée s’étira, tranquille et agrémentée par la perte d’une douzaine de pièces, englouties par l’un des multiples « bandits manchots », alignés comme des soldats à la parade.
Un casino pour un autre, celui-ci était le parfait emblème d’un lieu de perdition : roulette, black-jack… et l’occasion de se dire, en dévisageant tous ces gens réunis autour des tapis verts, jurant leurs grands dieux qu’on ne les y reprendrait pas, se voir refaire par la banque, qu’il est certaines fièvres incurables.
Chacun, passager d’un soir sur le navire du jeu, affranchi et femmes ou filles…, tous prenaient une pose languide, attendant leur tour de se voir dépossédés en totalité, d’économies lentement amassées.
Ce regard enfiévré par l’appât du gain facile, je l’aurais reconnu entre mille : tripots balzaciens, où l’on sait qu’il existe toujours un gagnant, le casino.
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Posté le: 26/02/2008 à 08:16:55 Sujet du message: |
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De longue date, j’éprouvais une tendance à l’insomnie : souvent, je dormais mal, la première nuit dans une chambre inconnue. Réveillée, ce matin-ci, au clair chant des oiseaux, je crus, un court instant, me retrouver dans un petit hôtel de campagne.
Descendue au rez-de-chaussée, je cherchai la salle réservée au personnel. Selon les idéogrammes, punaisés aux murs, je n’eus aucun souci pour m’y rendre. Moins de dix minutes plus tard, j’étais assise face à une table, dans une vaste pièce, dont les baies vitrées donnaient, malheureusement, sur le parking, en cette heure matinale, calme et sans circulation.
Copieux petit déjeuner, servi avec le sourire, expédié sur le pouce : de quoi vous ouvrir une journée, sous de chaleureux auspices.
Neuf heures. Présentations terminées, la glace rompue et le contact établi sur quelques solides bases, les regards suspicieux disparurent aussitôt. Les différents artisans et ouvriers, étant prévenus de ma venue, devaient sans doute se demander, les travaux pratiquement achevés, ce que je pourrais bien leur dire qu’ils ne sachent déjà.
Toujours est-il, que je n’étais pas là pour les enquiquiner : je n’en avais ni les raisons, ni l’envie. Souhaitant seulement que les délais soient respectés, afin de pouvoir « rendre les clés » et me tourner, enfin, vers des projets dignes de ce nom, plus alléchants et aussi conformes à mes aspirations, mes compétences, je me sentais prête à bâcler celui-ci.
Ils l’entendaient de la même oreille, et une poignée de main, scella nos accords alors que le déjeuner, tirait sur sa fin. Les cafés, fumants dans les tasses, dégageaient leur agréable parfum de torréfaction, quand une voix m’extirpa à ma rêverie.
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Posté le: 27/02/2008 à 09:08:02 Sujet du message: |
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- Vous devriez aller au « Restaurant Savoyard » pour le dîner… C’est dans la vieille ville, on y mange bien et ce n’est vraiment pas cher pour la nourriture que l’on sert.
- Oui ?
L’homme, décorateur à son compte, petit artisan comme la profession en compte tant, m’avait pris semblait-il en sympathie. A moins que ma présence, visiblement esseulée, ma mine en papier mâché, ne lui ait donné des idées.
Devant mon air interrogateur, la tasse aux lèvres et les sourcils levés, il poursuivit :
- J’y dîne tous les soirs, et si vous voulez, on se retrouve à dix neuf heures au bar de l’hôtel… Il se racla la gorge, prit une inspiration : Et je vous y conduis. En moto, il y en a pour cinq minutes.
- En moto, sans casque, pourquoi pas ? , fis-je distraite.
L’affaire était conclue. Il pouvait compter une invitée à sa table, pour le soir même.
En mai, les touristes n’avaient pas encore envahi les rues, et les feux tricolores n’avaient nul besoin des municipaux pour réguler la circulation. Cela n’aurait su durer, avec la saison estivale proche.
Le trajet se révéla effectivement des plus courts.
Pour se repérer à pied, simple… Longer le lac à main gauche,
dépasser le premier pont rencontré enjambant le canal,
le traverser et toujours en suivant le rivage, rejoindre une rivière : la seule d’Annecy, suivre son cours sur deux cents mètres
et la vieille ville s’ouvrait à vous.
Difficile de l’appréhender du premier coup d’œil, impossible de prime abord de se repérer dans les petites ruelles, impasses, venelles, passages, fausses entrées et vraies sorties.A suivre _________________
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Posté le: 28/02/2008 à 06:17:36 Sujet du message: |
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Dix-neuf quinze, ce même soir : la nuit coulait doucement sur la bourgade, nous enveloppant tels des ombres se faufilant, sous les pans pierreux des logements du voisinage.
Le restaurant, vieil immeuble adossé à la colline du château, datait comme le reste de la vieille cité, du Moyen Age : tout au moins, en étais-je persuadée. Flanqué de part et d’autre de boutiques, dégorgeant leurs souvenirs, sa devanture finement agrémentée de sculptures d’edelweiss attirait le regard du chaland.
Menu inscrit à la craie, exposé à l’extérieur, carte sous verre à l’abri des intempéries. Tables en acier noirci, selon le cours immuable de la météorologie, chaises en bois avec, pour tout confort, un coussin vert délavé.
Les photos, gravures, diplômes pendus aux murs, évoquaient pour l’essentiel la vie de cette agglomération et les exploits en montagne.
Nous y avons goûté la Savoie, pour mon premier dîner en ces lieux, et un festin ordinaire constitué
d’une salade savoyarde, allez savoir pourquoi ; d’une tartiflette, excellente au demeurant ; et d’un flan, fruit ou fromage, au choix.
- Un flan, ce serait bien, me dis-je, tandis que mon esprit dérivait sur les berges. Un petit Entremont pour faire passer le tout…
La soirée s’étirait, se conclut d’un merci poli à mon compagnon, malheureux de devoir se passer de ma compagnie pour le reste de la nuit, et retour au Palace.
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Inscrit le: 26 Nov 2006 Messages: 4692 Localisation: Allier/Cressanges
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Posté le: 29/02/2008 à 08:52:38 Sujet du message: |
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Décidément, Raymond avait fait du bon travail. Tout se déroulait sans anicroches et ma principale occupation consistait à faire la liaison entre les chefs d’équipe et la direction, inquiète des délais en raison d’un congrès d’importance devant se dérouler début juin.
Le festival du film d’animation approchait aussi à grand pas, et le Palace devait être prêt à accueillir toute la demande.
Ce furent trois semaines presque idylliques : matinées entières à étudier, discuter, trancher d’infimes détails, points de discorde parfois, phénomènes toujours présents dans toute entreprise de ce genre. Déjeuners en commun, puis quartier libre jusqu’au lendemain, le volumineux téléphone portable à porté de main.
L’occasion idéale pour moi de découvrir vraiment la ville.
Son cœur, à deux pas de la gare, chamboulé par les travaux du futur Courrier : dix salles de cinéma, une FNAC, restauration, fringues, fleuristes, livres et tutti quanti… n’était pas d’un abord agréable. Entouré de palissades, sa noria de camions chargeant la terre pour aller la déposer dans les environs, le bruit des pompes ingurgitant comme des moustiques assoiffés les mètres cube d’eau s’infiltrant joyeusement de la roche friable, les grues dressant leurs flèches dans le ciel, la poussière omniprésente, tout ceci donnait à prendre la poudre d’escampette.
Le Centre Bonlieu,
qui outre un biotope commercial, et je l’appris ultérieurement de la bouche des locaux, abrita au dix-septième siècle une abbaye cistercienne, en périphérie d’Annecy. En cette lointaine époque, les limites urbaines ne s’étendaient guère, cernées par le Canal de Vassé, servant de fossé aux remparts.
Du moins, à ce que l’on en disait…
J’avais toujours eu un goût pour ces histoires du Vieux Pays : sans doute la raison pour laquelle, je m’entendais avec les anciens des lieux, les plus reculés. On me relata au passage, que ladite abbaye, lors de la Révolution, se mua en manufacture de baïonnettes, vitriol puis de tissu.
A suivre _________________
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silenzio

Inscrit le: 26 Nov 2006 Messages: 4692 Localisation: Allier/Cressanges
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Posté le: 01/03/2008 à 09:08:21 Sujet du message: |
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Suite
Rachetée à son propriétaire, elle était devenue à la fin des années quatre-vingt, un véritable forum réunissant théâtre, bibliothèque, expositions permanentes ou itinérantes, commerces et bureaux…
La logistique infernale des lieux touristiques, et déplorait-on : un parking souterrain, au grand damne de certains. En dépit de quoi, ce Bonlieu, sis à trois cents mètres de Courrier, était d’un calme apaisant.
Franchir la rue pour se retrouver sur le Paquier
, dit aussi « pâturage »
, et connu actuellement sous la dénomination du Champ de Mars. En fait de pâturage, une pelouse ouverte à tous, une ancienne esplanade de verdure, engloutie depuis par la ville. Une avenue rectiligne, comme tracée au cordeau, bordée de platanes centenaires.
Puis le lac... Ce lac aux couleurs chatoyantes, insaisissables et changeantes. Un cadre montagnard,
entre écrin d’émeraude et image d’épinal. Je ne dirais jamais assez combien, ce lagon était beau, magnifique sous ses couleurs azur. Propre aussi, ce qui ne retirait rien à sa grâce.
Soleil ou pluie, brume ou brouillard, tous les jours m’ont vu me diriger vers la vieille ville. Cité aux multiples canaux,
ruelles en arcades,
traversée de part en part, par une magie inhérente au lieu.
Ses escaliers, ses ponts à l’architecture en fer, typique du début vingtième, ses passages aux rues raides et pittoresques. Je l’ignorais alors, mais elle m’avait déjà attrapée dans ses filets.
La première fois, où je pris conscience de la présence du château, j’en restai médusée.
Saillant de l’ombre protectrice de l’arcade sur voie, rue du Pont Morens, l’édifice sous le soleil semblait écraser de sa masse le toit des maisons aux tuiles d’écaille rouge, collées les unes aux autres sur les berges du Thiou.
A suivre _________________
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silenzio

Inscrit le: 26 Nov 2006 Messages: 4692 Localisation: Allier/Cressanges
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Posté le: 02/03/2008 à 08:14:56 Sujet du message: |
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suite
Tout semblait immense dans sa structure : le bâtiment principal, tel que je le découvris, comme un immense cube posé sur le faite des demeures, sa tour carrée dominant de son majestueux profil les frêles cheminées alentours.
Je me devais de le voir, le visiter. Hélas pour moi, il était fermé pour cause de grève illimitée.
Promesse fallacieuse… Annecy n’était guère une charmante bourgade médiévale. Ravagée par un incendie en 1412, ses bâtisses en calcaire des Préalpes ou à la molasse de l’avant-pays, ne dataient pour la plupart que du dix-septième ou dix-huitième siècle.
Etonnant, n’est-ce pas ? Ses murs jaune safran, vert amande ou vieux rose, dans son adolescence, trépassés mit en branle mon imagination débordante.
Je décidai, ne sachant pourquoi, de changer ce soir-là de restaurant, sachant que je devais le lendemain remettre aux mains de la direction, les dernières chambres terminées le matin même. Pure formalité, nous permettant en quelque sorte d’établir un état des lieux. Mon retour, prévu le surlendemain, un samedi, devait se faire en T.G.V., la place étant déjà retenue.
Vingt et une heures, passées du quart… Errances au travers des brasseries, jusqu’à dégoter un adorable restaurant d’une vingtaine de couverts, dessinant le coin entre la rue du Pont Morens et celle de l’Isle, cette même artère continuant son chemin sous le nom de St clair.
Je décidai de manger italien et bien m’en pris : jambon de Parme, Bolognaise, fromage de chèvre calabrais et glace au dessert. Un petit Chianti très frais pour arroser le tout, et touche finale, un cappuccino, un vrai : non pas le suranné, servi dans nos bistrots.
A proximité du comptoir, jouxtant la caisse, le traditionnel panneau « petites annonces. »
En vrac, voitures à vendre - excellent état, chats trouvés ou chiens perdus, demande de baby-sitting ou de jeunes filles au pair, proposant leurs services, locations d’appartements, de studios…
A suivre _________________
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